Par le Pr Grégory Pugnet
La sclérodermie systémique est une maladie auto-immune rare caractérisée par une fibrose progressive de la peau et de divers organes internes. Parmi les manifestations viscérales, l’atteinte cardiaque occupe une place importante en raison de sa fréquence sous-estimée et de son impact majeur sur le pronostic des patients. L’atteinte cardiaque dans la sclérodermie est souvent silencieuse, ce qui en complique le diagnostic et aggrave son pronostic.
L’atteinte cardiaque peut être primitive ou secondaire. L’atteinte primitive est due directement au processus scléreux affectant le myocarde, l’endocarde, les valves et le péricarde. L’atteinte secondaire, en revanche, découle de complications comme l’hypertension artérielle pulmonaire[GP1] (HTAP) ou la maladie rénale sclérodermique.
Au niveau myocardique, la sclérodermie entraîne une fibrose diffuse, qui altère la contractilité du cœur. Cette fibrose peut provoquer des dysfonctionnements systoliques et surtout diastoliques précoces, rendant le muscle cardiaque rigide et moins performant. Les troubles du rythme sont également fréquents : ils peuvent aller de simples extrasystoles à des troubles plus graves comme les blocs auriculo-ventriculaires ou des tachycardies ventriculaires.
L’atteinte péricardique est également courante. Elle se manifeste principalement par des épanchements péricardiques souvent asymptomatiques. Dans certains cas, un épanchement important peut évoluer vers une tamponnade cardiaque, bien que cela soit rare.
Le diagnostic d’atteinte cardiaque chez les patients sclérodermiques repose sur une évaluation clinique minutieuse, des examens paracliniques et l’imagerie cardiaque. L’échocardiographie transthoracique est l’examen de première intention pour dépister une dysfonction ventriculaire, un épanchement péricardique ou des signes indirects d’HTAP. Le Holter ECG est utile pour dépister les troubles du rythme asymptomatiques. L’IRM cardiaque est particulièrement performante pour détecter précocement la fibrose myocardique, même en l’absence de symptômes.
Le traitement est principalement symptomatique et repose sur la gestion des complications spécifiques : traitement de l’insuffisance cardiaque, prévention des troubles du rythme par des antiarythmiques, implantation éventuelle de pacemakers ou de défibrillateurs.
En conclusion, l’atteinte cardiaque dans la sclérodermie systémique est fréquente mais souvent silencieuse. Sa détection précoce est essentielle pour améliorer le pronostic. Une surveillance cardiologique régulière est donc indispensable chez tous les patients atteints de sclérodermie systémique, même en l’absence de symptômes cardiovasculaires.
[GP1]Lien vers poumon